La putain respectueuse

De Jean Paul Sartre / Mise en scène : Hadda Djaber

Dans une petite ville du sud des Etats-Unis, dans les années 1940, deux noirs sont à tort accusés de viol. L’un est tué par un blanc : le neveu du sénateur de la ville. L’autre s’enfuit. On tente d’obtenir de Lizzie, une prostituée, une fausse déclaration pour permettre de sauver l’assassin. En dépit des moyens utilisés par les notables de la ville, quand le Noir vient se cacher chez elle, elle lui tend un revolver qu’il refuse de prendre :

« Je ne peux pas tirer sur des Blancs ». Il s’enfuit mais la machine infernale est déjà en route.

Avec :

Karine Revelant, Joël Toussaint, Tommy Luminet, Bruno Miara, Samuel Camus

Saxophone – création sonore : Stéphane Lambert

Création lumière – vidéo : Fabien Leforgeais

Scénographie : Yves Henri (sculpteur)

Exposition de peintures et vidéo : Jacqueline Li-Michaud : « Monstres »

Affiche : Quentin Lacoste

Le sommeil de la raison engendre les monstresFrancisco de Goya

C’est un fait divers – découvert dans le livre de Vladimir Pozner – « Les Etats Désunis » qui a inspiré à Jean-Paul Sartre « La Putain respectueuse ». Le titre a fait scandale quand la pièce est sortie en 1946. On a même accusé l’auteur « d’antiaméricanisme ». Pourtant, si on considère que les faits divers reflètent la société dans laquelle on vit, on ne peut pas être surpris de voir que dans les années 40 aux Etats-Unis – époque de l’apartheid et de l’exclusion d’une partie de la population – on puisse impunément assassiner ou lyncher un noir. N’oublions pas qu’en 1932, pour ne citer qu’un exemple, Bessie Smith, immense chanteuse de blues, victime d’un accident de voiture, est morte, faute de soins parce qu’on l’a refusée dans un hôpital de blancs interdit aux noirs. Elle n’avait que 36 ans !

Mais la pièce ne traite pas seulement de cette partie honteuse de l’histoire : elle montre jusqu’à quel point les puissants peuvent utiliser l’arme de la manipulation pour arriver à leurs fins. Elle met également à nu la situation des femmes et le rôle qui leur était imparti : la soumission. D’ailleurs Lizzie, victime aussi de la superpuissance des « blancs », bien que blanche, se révolte et se sent solidaire de cet homme qui fuit l’horreur ; elle va jusqu’à lui tendre un révolver et, quand il refuse de « tirer sur des blancs » n’hésite pas à le cacher.

Racisme, exclusion, sexisme, assassinat… C’était en l946. Depuis cette époque, les noirs se sont battus pour leurs droits ; certains ont même payé ce combat de leur vie. Pourtant, bien que l’Amérique ait porté, récemment, à la présidence un homme noir, on a assisté au procès de deux adolescents blancs qui ont lynché un homme dont le seul crime, à leurs yeux, était sa couleur.

Autour du spectacle qui débute dans l’entrée du lieu, une exposition des oeuvres de Jacqueline Li Michaud, plasticienne, intitulée « Les Monstres » donnera le ton de la mise en scène de ce texte qui, en 2012, demeure d’une actualité brûlante.

Hadda Djaber